La presse féminine nous fait vivre un enfer dans la plus grande hypocrisie.
Cet article résume tout ce que je pense !
Qu’est-ce que c’est encore que cette merde ? C’est un peu ou
prou ce que je me suis exclamée en écoutant l’hilarante chronique de Vincent
Dedienne à propos du site fourchette-et-bikini. Et dont la baseline est « qui a
dit que mincir était compliqué ? »
« Fourchette & Bikini est le premier magazine on-line
traitant de tous les sujets gravitant autour de la minceur : psycho, actu,
beauté, bien-être, santé, maman… »
Définition que l’on pourrait accoler à l’ensemble de la
presse féminine. Laquelle, dès la mi-mars délaisse peu à peu les sujets « actu
» et « psycho » pour se concentrer sur la taille de nos culs et nos indices de
masse corporelle. Car quand les beaux jours arrivent, les magazines féminins,
papier ou en ligne, concentrent tous leurs efforts pour démontrer à nous, êtres
utérins, que nous ne serons pas décentes en maillot de bain cet été à moins de
perdre du poids. Oh pas beaucoup hein. Cette année 3 petits kilos en moins
feront l’affaire précise dans sa grande mansuétude Constance Benqué CEO de
ELLE.
Le fait même que Benqué semble considérer que dire aux
femmes qu’elles n’ont à se délester QUE de 3 kilos constitue une petite
révolution, (et croit que demander de perdre trois kilos ce n’est pas un
régime) montre bien à quelle point la presse féminine est à côté de la plaque.
Et s’enfonce chaque jour un peu plus dans le déni de ses responsabilités.
Car véhiculer le message qu’une femme doit changer
d’apparence physique avant d’oser se prélasser sur la plage ou à la piscine
soumise aux regardes (masculin, essentiellement) est d’une effroyable
crétinerie. La presse féminine parle d’ailleurs « d’épreuve du maillot » comme
s’il y’avait un test à passer auquel on peut potentiellement être recalée. Et
induit donc une notion d’échec, alors même que les vacances sont censées
figurer l’abandon, pour un temps, du souci de la performance et de satisfaire
une instance supérieure. Quand t’es une femme, tu passes le bac option bikini
toutes les putains d’année.
L'OBSESSION
D’après un sondage plus d’une lectrice de presse féminine
sur deux (54%) avoue être obsédée par son poids et sa silhouette. Certain
seront tentés de jouer à l’œuf ou la poule et de décréter que c’est parce
qu’elles sont obsédées par leurs poids que ces femmes lisent la presse
féminine, précisément pour y trouver des solutions. Mais il semblerait que ce
soit le processus inverse : c’est après avoir refermé un Grazia ou autre qu’une
femme peut littéralement haïr son enveloppe physique et développer une
obsession pour telle ou telle partie de son corps. Et aller jusqu’à la
dysmorphophobie le trouble de l’image de soi dont souffrirait 13% de la
population.
Je pèse 53 kg pour 1,61m. J’ai le poids normal pour ma taille,
apparemment je devrais même prendre du poids. J’ai de la cellulite et des
vergetures que je tolère la plupart du temps. Et je me trouve dégueulasse quand
j’aperçois en une de Elle une mannequin pré pubère et dénutrie floqué de la
mention « objectif maillot ». Car il ne faut pas être que mince, il faut être
bien foutue, tonique, avoir la peau ferme, bronzé, sans capiton, lisse. Rien ne
doit dépasser. Et comme aucune femme ne dispose d’un Photoshop intégré cela est
physiologiquement impossible.
Mais ces troubles engendrés ne sont rien par rapport à la
façon dont la minceur, érigée en modèle, alimente par la même occasion la
grossophobie. Si mincir ce n’est pas compliqué, comme l’affirme Fourchette et
bikini, cela revient à décrire les femmes en surpoids comme des feignasses
dénuées de volonté et qui feraient mieux de ne pas infliger à autrui la vision d’un corps maltraité.
CACHER LES GROS
Car ces articles minceur grignotent l’estime de soi de
toutes les femmes, mais surtout celles qui, tout en étant conscientes d’être
grosses (car « grosse » n’est pas un gros mot), refusent d’être assignées à
résidence et de se cacher. Nous vivons dans un monde, ou une femme en surpoids
qui profite de la plage et poste la photo sur les réseaux sociaux en maillot se
fait insulter. C’est quoi notre problème ?
La presse féminine est l’un des grands artisans de ce
bodyshaming, elle prétend établir les normes, ce qui est joli, ce qui est laid.
Et autorise par là même occasion les gens à sanctionner ceux qui débordent de
ces standards.
Pourtant, avant d’être une question esthétique le poids est
avant tout de l’ordre de la santé. Dans un monde parfait, la question ne
devrait pas être « comment être baisable en bikini ? » mais « suis-je en bonne
santé ? ». Or, la presse féminine a volontairement flouté les lignes. Et
assimilé la minceur à la vigueur et à la jouissance (toutes ces photos de
femmes qui rient à gorge déployées devant un bol de roquette), le surpoids à la
maladie et au mal-être. En faisant fil de tout ce que la science s’évertue à
nous inculquer : à savoir que les régimes et les restrictions nous nuisent.
MONEY MONEY
Pourquoi la presse féminine continue-t-elle à nous
refourguer des monodiètes, des crèmes qui raffermissent le cul pendant qu’on
dort, et des nouveaux complexes ? (car mesdames, les bras, c’est le nouveaux
décolleté)
Et ben pour l’argent, pardi. Et elle ne s’en cache pas.
Interrogée dans le JT de France 2 la rédactrice en chef adjointe de Elle
actuelle expliquait dans le plus grand des calmes : « On sait que
naturellement, les sujets minceur ont 5% à 10% de vente en plus. » Et précisait
à propos du régime « maigrir en 3 semaines » du numéro d’avril : « On ne
maigrit pas en une semaine. Comme on est dans une logique d’accompagnement des
femmes, on leur tien la main pendant trois semaines. En espérant qu’elles
achètent les trois numéros bien sûr ».
C’est parce qu’elle nous « tient par la main » que, sur un
numéro de Marie Claire, par exemple, la pub ne représente pas moins de 40% du
contenu. Et que quand Grazia.fr préconise de faire du sport parce que « L’été,
c’est bien joli, mais maintenant il va falloir se remuer le popotin », c’est
pour vanter des vêtements de sport avec un lien vers les eshop des marques
citées. Le seul credo, vendre. Si on te dit : « Tout va bien, tu es bien comme
tu es, tu n’as plus de raison de vouloir acheter quoi que ce soit pour te perfectionner.
Or c’est quand même le but… » a confié une journaliste beauté au magazine
Marianne, sous couvert d’anonymat (tu m’étonnes).
EMPOWERMENT
Sur une même couverture de magazine, on peut voir un titre
appelant à jeûner 48h ET un article appelant à « assumer ses rondeurs ». On
peut voir une invitation à muscler et raffermir ses bras parce que même vos
bras doivent être sexy, et une question qui déplore l’anorexie des ados. Hé
ouais, Le Body Positive, c’est le nouveau noir. Parce que la presse féminine
n’est plus à une contradiction près et parce qu’à bien y regarder, dire aux
femmes qu’elles doivent « s’accepter comme elles sont » (et se tenir la main
nues, dans un champ de coquelicots) n’est rien d’autre qu’une nouvelle
injonction.
Sur twitter, si vous vous plaigniez de votre silhouette, il
se trouvera toujours quelqu’un qui, avec les meilleures intentions du monde
vous diras, si si vous êtes belles comme vous êtes et que vous devriez vous
accepter. Même si on ne sait pas très bien comment faire pour s’accepter :
faut-il se concentrer très fort et se répéter « je suis belle je suis belle je
suis belle » en se balançant d’avant en arrière ? Faut-il postuler à un casting
pour le nouveau gel douche Dove ?
Même si Gigi Hadid est superbe, ça me fait marrer quand elle
porte son crop top « love yourself » de même que des marques qui s’arrêtent au
42 qui ont des messages féministe, self acceptance. C’est une logique marketing
bien crade « aime toi mais dans le respect de nos tailles stp »
BAH T'AS QU'A PAS L'ACHETER
Critiquer un tant soit peu la presse féminine, c’est ’exposer
à un argument supposément définitif : « bah t’as qu’à pas l’acheter ».
Alors, 1 merci Sherlok.
2. Dire aux femmes qu’après tout ce sont elles qui sont un
peu connes pour s’abreuver de ces magazines, c’est vraiment ce qu’on veut
entendre hein.
Bien sûr, on n’est pas obligées de les lires. Mais c’est
tout aussi crétin de dire que cette presse n’est pas dangereuse pour ses
lectrices que dire à ceux qui dénoncent l’homophobie chez Cyril Hanouna qu’ils
n’ont qu’à changer de chaîne.
D’ailleurs, pas la peine d’acheter Elle pour être matraquée
par ses couvs. Passer devant un kiosque suffit à être imprégnée de cette image
idéalisée du corps féminin. Les diktats ne disparaissent pas une fois un
magazine fermé et jeté dans la poubelle jaune. Ils s’immiscent partout, même
quand on n’a rien demandé. Même si Elle, Glamour et j’en passe cessaient
subitement d’être irresponsable et superficielles, ça ne réglerait pas le
problème pour autant.
Certains blogs et comptes Instagram ayant pris le relais
avec une dimension de proximité, plus dangereuse encore. Qu’une rédactrice
beauté me dise que mes bras sont moches c’est une chose, quand c’est une fille
de mon âge, qui raconte son « body challenge » en faisant le V de la victoire
avec ses doigts, debout sur son stepper offert après un post sponsorisé, c’est
encore plus vicieux.
J’ai envie qu’on laisse les femmes manger ce qu’elles
veulent quand elles veulent et qu’on leurs laisse le droit d’être comme elles
ont envie d’être, mais malheureusement ça ne rapporte pas de thunes.
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